Créateur d’expérience en 2cv

Citroën Bijou : petite anglaise en dessous français

Tout le monde connaît en France la Citroën 2CV mais personne ne l’imagine en charmant petit coupé. Certes, il y eut des tentatives de carrossiers excentriques pour la transformer en 4×4, roadster, et autres propositions en toute petite série mais nombreux sont ceux qui ont oublié la Bijou, une proposition officielle émanant de l’usine Citroën de Slough, en Angleterre. Un modèle aujourd’hui hyper rare, totalement inutile et donc particulièrement attachant.

Dates de production : 1959-1964

Production : 209 exemplaires

Lieu de production : usine Citroën de Slough (Grande Bretagne)

Une usine anglaise pour Citroën

Alors que Citroën exporte ses voitures vers l’Angleterre depuis le début des années 20, l’instauration des taxes MacKenna oblige André Citroën à revoir ses positions. Il décide d’installer une usine d’assemblage Outre-Manche capable de satisfaire le marché anglais mais aussi l’ensemble du Commonwealth. Son choix se porte sur la ville de Slough, au sud de l’Angleterre, et l’usine ouvre ses portes en 1926. Dans les années 30, c’est évidemment la Traction Avant qui devient la star de l’usine de Slough. La production stoppe en 1940 et l’usine se consacre à l’effort de guerre britannique mais les Traction Avant vont réapparaître dès 1946 avec la Light Fifteen (le nom donné à la 11 Légère outre-manche), puis la Six Cylinder en 1948 et enfin la Big Fifteen (11 Familiale) en 1952. La production de la Traction cesse en 1955.

L »échec de la 2CV

Entre-temps, la 2CV est arrivée sur les chaînes de Slough, en 1954. Elle est disponible en version berline, fourgonnette et pick-up (une série de 65 exemplaires sera même construite pour la Royal Navy et seront déployés à Singapour) mais malgré une qualité de fabrication réputée supérieure à son homologue française, elle ne rencontre pas vraiment le succès d’autant qu’en 1959 paraît un phénomène purement british, la Mini. La DS sera produite quelque temps à Slough et c’est une DS21 qui sera la dernière à tomber des chaînes avant la fermeture de l’usine en 1966. En tout, seuls 57 000 Citroën furent produites à Slough. 

Un Bijou pour sauver la Deuche

Mais revenons à nos moutons. La 2CV, malgré son côté populaire et révolutionnaire (sans doute trop pour les anglais), peine à se créer un marché outre-Manche. Les pièces, essentiellement importées de France, rendent notre si abordable Deuche bien trop chère pour les anglais qui eux aussi sortent mal en point de la guerre. Lancée en 1954, elle ne trouvera pas beaucoup d’acheteurs en moins de 10 années : 673 exemplaires sortiront de Slough, autant dire peanuts (la moitié étant par ailleurs exportée vers l’Empire Britannique). L’échec est cuisant, 

Pour relancer (un peu) la machine, on décide alors de décliner sur la base de notre 2CV une sorte de roadster qui, pense-t-on, sera à même de lutter avec des MG, Triumph et consorts tout en justifiant un prix impossible à imposer pour une Deuche basique. Peter Kirwan Taylor est mis à contribution pour dessiner un nouveau modèle (on lui doit par ailleurs la Lotus Elite, excusez du peu). En 1959, la Bijou est présentée à Earl’s Court et s’imagine séduire les britanniques en nombre, ce qui permettrait d’écouler les châssis et les mécaniques de 2CV qui s’accumulent à Slough. Car si son look diffère de la 2CV, tout le reste est commun. Elle singe un peu la DS sortie 4 ans plus tôt à Paris, en 1955, et permet quelques espoirs sur les îles britanniques réputées friandes de ce genre de proposition.

Un fiasco inévitable

On s’imagine en vendre 1 000 par an, alors que la 2CV, on l’a vu, peinait déjà à en vendre péniblement 100 par année. Au Quai de Javel, on n’y croit guère, mais, perdu pour perdu, on laisse les anglais faire. Alors que les pièces d’origine française coûtent déjà cher, la réalisation d’une carrosserie spécifique s’ajoute à la note, rendant la Bijou bien trop chère malgré un côté bonbon assez séduisant. La carrosserie en polyester limite les volumes et s’avère compliquée à assembler. Alors que les roadsters anglais sont de plus en plus réussis et de moins en moins chers, tandis que la Mini lancée en 1959 renvoie la 2CV dans ses cordes, impossible pour la Bijour de tenir ses engagements : 209 exemplaires seulement sortiront des chaînes entre 1959 et 1964…. 

Aujourd’hui pourtant, ce modèle a la cote : inconnu sur le continent, gardant les qualités de notre 2CV nationales sous une robe bien plus attrayante (mais moins pratique, on en convient), le tout adoubé par la direction de Javel, la Citroën Bijou est un collector depuis longtemps malgré une conduite à droite sur tous les modèles. Si vous voulez vous laisser tenter par l’originalité après avoir écumé tous les modèles de 2CV, c’est donc elle qu’il vous faut.

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