Pour promouvoir et tester le moteur à piston rotatif, Citroën n’hésite pas à sortir un drôle de véhicule dénommé M35, une Ami 8 en version coupé dotée d’un drôle de moteur développé avec NSU au sein de la Comotor. Un premier test grandeur nature avant d’envisager plus grand avec la GS.
Dates de production : 1969-1971
Production totale : 257 exemplaires
Lieu de production : Cerizay (79) chez Heuliez
L’avenir est au moteur à piston rotatif
Depuis 1965, Citroën fricote avec la marque allemande NSU au sein de la société Comobil (puis Comotor) avec une idée simple : imposer le moteur Wankel à piston rotatif comme une solution d’avenir. Pierre Bercot, le PDG de l’époque, y croit dur comme fer au point d’investir des sommes colossales dans le projet ! La technologie est prometteuse, mais demande une longue mise au point. Pour Citroën, l’objectif est d’être prête pour les années 70 en fournissant des moteurs Wankel fiables pour les futures GS et DS. En attendant, il faut tester, et s’assurer du bien fondé du concept.
Une Ami 8 transformée en coupé
Pour assurer le futur et vérifier les solutions techniques, les équipes Citroën vont récupérer l’Ami 8 alors en gestation (mais très proche de l’Ami 6 qu’elle remplace) pour la doter d’un moteur monorotor KKM-500 (développé avec NSU) de 995 cm3 et développant 49 chevaux DIN pour 7 mkg de couple, le tout accouplé à une boîte de vitesse inédite qu’on retrouvera sur les GS 1015 à venir. Afin de différencier la M35 de l’Ami 8, on lui offre une carrosserie spécifique plutôt étonnante, à la façon d’un coupé. L’idée n’est pas mauvaise mais il faut bien l’avouer : le dessin de Bertoni date déjà de 8 ans et sa déclinaison coupé, faite à la va-vite, n’est pas du meilleur goût.
Opération Marketing
La M35 va cependant faire l’objet d’une opération marketing sans précédent ou presque (on se souvient de la Traction Avant 15-Six H dotée des suspensions arrière de la DS dès 1954) : conscient que ses essayeurs sont trop professionnel, le bureau d’étude propose de confier des prototypes (500 de prévus) à des clients sélectionnés pour leur fidélité et leur loyauté. Le directeur de l’information de l’époque (l’ancêtre du « dircom »), Jacques Wolgensinger, saute sur l’occasion d’une bonne opération presse et convainc Pierre Bercot, PDG de l’époque, de médiatiser l’opération. On lui doit les logos « prototype Citroën M35 » apposés sur les flancs de la bête (pas belle).
Pour cette opération, Citroën s’engage à remplacer la voiture en cas de panne. Le propriétaire, qui a acquis la voiture, se doit quant à lui d’assurer l’entretien ordinaire. Mieux, la marque s’engage à reprendre les véhicules au bout de deux ans. Pour produire cet étrange coupé, on fait appel au carrossier Heuliez, sis à Cerizay dans les Deux-Sèvres et qui commence à se faire une belle réputation dans la production de petites séries, notamment pour Simca.
Un succès mitigé pour la M35
La Citroën M35 rencontre un succès mitigé : sur les 500 exemplaires prévus pour cet « essai grandeur nature », seuls 267 seront réellement fabriqués. Il n’est pas si évident de trouver des clients capables de débourser 14 000 francs de l’époque (l’équivalent d’une DSpecial d’entrée de gamme) et de justifier de 30 000 km par an au minimum. Finalement, le moteur qui devait être au coeur de cette opération ne rencontre pas d’écho particulier auprès des testeurs : il semble manquer de couple, tandis que la puissance reste tout juste correcte alors que la voiture prend plus de 100 kg par rapport à une Ami 8 classique disposant de deux portes supplémentaires.
La fin du rêve à piston rotatif
La M35 restera un « pré-projet », un ovni dans la gamme, préfigurant les grandes ambitions de Pierre Bercot pour le moteur à piston rotatif. Malheureusement (ou heureusement, c’est selon), Michelin, propriétaire de la marque et soucieuse des coûts de ce qui devient de plus en plus une danseuse avec le rachat de Maserati, le lancement de la SM et cette affaire Comotor dispendieuse, décide d’arrêter les frais : Bercot est évincé, et Michelin tente de s’allier avec Fiat. Une opération qui tournera court en 1973.
Le moteur à piston rotatif trouvera une dernière destination au sein de la GS Birotor qui connaîtra le même insuccès que la M35. Mais au moins pouvait-on dire que la M35 était un prototype accessible au public, quand la Birotor se voulait pleinement intégrée dans la gamme.