Après la première tentative d’économie d’échelle opportuniste initiée par Peugeot (la LN), Citroën voit son entrée de gamme remaniée avec une Visa qui dispose de tous les codes du chevron tout en récupérant les dessous d’une Peugeot 104 5 portes. Si son physique disgracieux freinera son début de carrière, un restylage audacieux signé Heuliez lui donnera une seconde jeunesse.
Dates de production : 1978-1988
Production : 1 254 390 exemplaires
Lieu de production : Rennes (35), Vigo (Espagne), Mangualde (Portugal)
Restylage : 1981
Du projet Y au projet VD
Le Projet Y, lancé à la fin des années 60 a pour objectif de produire une voiture crédible entre la GS et la 2CV, les Ami 6 et Ami 8 n’ayant pas convaincu le marché. On étudie donc une petite voiture à quatre portes sur la base d’une Fiat 127, suite aux accords avec Fiat, mais disposant tant du bicylindre des 2CV / Dyane que du flat-four de la GS. Le projet avance et, en 1972, le style paraît déjà figé (Y2). Or, en 1973, face à l’opposition rencontrée pour racheter Citroën, Fiat jette l’éponge et se retire de Pardevi. Le projet doit donc évoluer et change de nom pour devenir TA. Mais tout s’écroule à nouveau en 1974 avec la faillite et l’entrée en jeu de Peugeot dans le rôle du sauveur. Le projet TA évolue donc encore une fois en VD pour intégrer les soubassements de la Peugeot 104 et certaines de ses mécaniques (le moteur X) en plus des traditionnels bicylindres. Le projet Y/TA n’est pourtant pas totalement abandonné : bien avancé, il deviendra la réponse de Citroën à l’appel d’offres roumain de 1974 (sous le nom, en France, d’Axel).
Alors que, par opportunité autant que par urgence, la petite LN, copie conforme d’une 104 à trois portes mais dotée du bicylindre Citroën, est lancée en 1976, la VD continue son bonhomme de chemin dans les bureaux d’études. Sa ligne évolue, mais elle reste proche de celle du début, le projet Y, ce qui explique sa ressemblance avec l’Oltcit. Malgré l’arrivée de Peugeot (et de George Taylor à la présidence de Citroën à l’époque), la Visa présentée en 1978 a tous les attributs des Chevrons : un look décalé (et dérangeant), un parti pris total y compris à l’intérieur, avec son satellite cylindrique réunissant toutes les commandes essentielles (le fameux PRN pour Pluie Route Nuit), et un excellent compromis avec les technologies Peugeot.
Une vraie Citroën s’appuyant sur l’expertise Peugeot
Ainsi, malgré son châssis de 104, et des suspensions assez conservatrices (ressorts hélicoïdaux à l’arrière, McPherson à l’avant) mais retravaillées pour obtenir plus de « moelleux » Citroën, la Visa offre une vraie personnalité, et quelques innovations à ce niveau de gamme (elle reçoit notamment l’allumage électronique). C’est en outre l’une des rares voitures à proposer un bicylindre à plat et un 4 cylindres transversal. Enfin, l’originalité Citroën a été préservée avec son design étonnant et notamment son « groin » : une calandre proéminente englobée par le pare-chocs en plastique. Un parti pris osé qui sera d’ailleurs son ennemi principal.
Des bicylindres et des moteurs X
Sous le capot, on trouve une offre simple : pour les Spécial et Club, le bicylindre de 652 cc développant 35 chevaux ; pour la Super, le 4 cylindres X de 1 124 cc et 57 chevaux. Sans être un foudre de guerre, c’est amplement suffisant pour les 870 kg de la Visa. La carrière de cette dernière commence plutôt tranquillement. Sans être un échec, on sent bien que la mayonnaise ne prend pas, malgré un positionnement pertinent et une offre économique valable. Rapidement, la direction de Citroën (et notamment Xavier Karcher, prenant la direction générale de la marque en 1979) se rend à l’évidence : son physique ingrat rebute, et empêche de faire de la conquête, restant cantonnée à une clientèle captive.
Faire évoluer la Visa vers plus de grâce
Oui mais voilà, comment faire évoluer la voiture quand, dans le même temps, les budgets manquent ? Le rachat de Chrysler Europe, tout comme la crise de 1979, a changé l’euphorie en panique et il faut sauver le soldat PSA. La priorité, pour les Chevrons (et le groupe tout entier) reste le développement de la BX avant le grand lancement de la 205 et la Visa n’est absolument pas prioritaire. Citroën, pour rectifier le tir à moindre frais, va proposer un budget dérisoire au carrossier Heuliez pour retravailler le faciès incriminé. Dans l’équipe, on trouve un certain Gérard Godfroy, fondateur quelques années plus tard de la marque Venturi. L’homme va d’abord entraîner la Visa vers un visage très sochalien avant de revenir à quelque chose de plus sage et surtout de plus économique. Grâce à de subtils changements de la face avant, la Visa II retrouve un sex-appeal qui lui manquait jusqu’alors !
La Visa II change la donne
En mars 1981, la nouvelle Visa II s’offre au public. Ses moteurs avaient déjà un peu évolué, récupérant sur la Super X un 1 219 cc de 64 chevaux. Les ventes grimpent de 50 % entre 1980 et 1982, passant de moins de 65 000 exemplaires à 95 000 cette année-là : cinquième voiture la plus vendue en France, mais aussi Citroën la plus vendue tout court devant la GSA !
Dès lors, tout devient permis pour la Visa II : versions sportives (Trophée en 1981 de 100 chevaux, Chrono de 93 chevaux en 1982, 1000 Pistes de 112 ch — le moteur de la 104 ZS à carbu mais “évolué” —, GT de 80 ch peu de temps après, puis enfin la Visa GTI en 1984 avec son moteur de 205 GTI de 105 puis 115 chevaux) mais aussi version de loisir avec une Découvrable étudiée chez Heuliez et lancée en 1983. La Visa II est l’un des rares exemples de “restyling” gagnant, permettant à la voiture de s’offrir une seconde carrière meilleure que la première, au point d’arriver à un total de 1 254 390 exemplaires.